Reflets d’ici-bas
Ici chaque photographie est un reflet du monde invisible, celui qui nous échappe, que l’on ne remarque pas ...

Dans une photographie réussie, il y a toujours matière à rêver. Un détail, une couleur, un angle inédit, un gros plan, qu’importe, dans toute photographie digne de ce nom, il y a la promesse d’une vie après le regard. On s’abandonne à la contemplation, on laisse vagabonder l’imagination, on se projette au cœur du sujet, transporté en un autre lieu, en un autre temps, et, sitôt que l’on a détourné les yeux, l’image, s’enrichissant de notre propre vécu, de notre culture, se démultiplie. Oui, toute bonne photographie est un point de départ, un instant faussement figé que l’esprit parvient, par des détours parfois obscurs, à animer et restituer en plusieurs dimensions. C’est le cas chez Isabelle Seilern. Et de toute évidence dans sa série des « Paysages ».

Ici, chaque photographie est un reflet du monde. Une vision éminemment poétique. « Isabelle Seilern a la poésie du banal apparent, montrant ce qu’il y a d’extraordinaire dans l’ordinaire pour peu qu’on ait l’œil attentif », note ainsi le critique Jean-Philippe Domecq. Les jeux de couleurs, les déformations du sujet, l’ambiance particulière de chaque image, inventent un langage esthétique facilement reconnaissable, caractérisé par une lumière venue d’on ne sait où en même temps que par une représentation énigmatique, où l’ordinaire, pour reprendre la formule de Domecq, devient digne d’attention, d’intérêt, devient matière à rêver.

L’indicible se niche dans le détail. Dans cet enchevêtrement de reflets sombres ou nimbés de clarté. Le regard s’éternise à démêler le vraisemblable de l’hypothétique, à donner sens à la figuration, mais il a tort, le propos chez Isabelle Seilern est volontairement, délibérément abstrait. Pour elle, avant toute chose, c’est la sensation qui importe, une espèce d’émotion comme celle que l’on pourrait ressentir devant un feu de bois par exemple, ou bien devant les mille nuances d’une forêt au cœur de l’automne, et qui nous fait considérer le monde qui nous entoure sous un jour délivré des scories du quotidien. Sa photographie vise à capter chez le regardeur la part intime qui le portera à s’émouvoir d’une beauté qu’il ne parvient pas dans le même temps à formaliser totalement.

Ludovic Duhamel (Directeur de Publication du magazine d'art 'Miroir de l'Art')